Pouvez-vous nous décrire le travail de PBI au Honduras ?

Manon : Nous accompagnons depuis 2014 la journaliste Dina Meza qui défend la liberté d’expression et les droits humains. Dans ce cadre, en plus de son travail de journaliste, elle met en place des actions légales en faveur des droits humains et accompagne des défenseur.e.s, étudiants criminalisés, journalistes et féministes, tous menacés par leur travail. Nous l’accompagnons dans ses conférences de presses et diverses actions légales et de formation auprès de ces personnes. Nous accompagnons également CEHPRODEC, le Centre Hondurien pour la Promotion du Développement Communautaire, une organisation  qui aide les communautés paysannes et indigènes dans la défense de leur territoire contre des entreprises et mégaprojets miniers et hydroélectriques. Beaucoup font face à des procès pour usurpation du territoire de la part d’entreprises ou de propriétaires terriens, et sont criminalisés et malmenés par la police et les autorités locales.  Nous observons des procès, des manifestations et accompagnons également Cehprodec dans ses activités de formation aux communautés dans tout le pays. Depuis 2015, nous accompagnons également l’association Arcoiris de défense des droits LGBTI, et le Mouvement des Femmes pour la Paix Visitación Padilla, dans diverses activités de plaidoyer auprès des autorités nationales, ainsi que dans leurs actions légales, leurs réunions et activités internes, mais toujours en tant qu’observateurs internationaux, respectant le principe de non-ingérence.

Sylvain : Nous sommes toujours par équipe de deux lors de nos déplacements et nous alternons les équipes de deux dans les différentes missions et les accompagnements, ce qui nous permet de toucher tous et toutes à différents sujets. Nous réalisons beaucoup de visites dans les bureaux des défenseurs et les sièges des organisations. Il s’agit de visibiliser leur espace de travail et de montrer le soutien de la communauté internationale. Nous faisons également beaucoup de travail auprès des autorités. Depuis l’arrivée de PBI au Honduras, il faut expliquer ce qu’est l’accompagnement international, ce qui n’est pas très facile dans un pays où le concept est nouveau, contrairement au Guatemala ou en Colombie où PBI est présent depuis 20-30 ans. Durant les premières réunions, il fallait donc surtout expliquer les missions de PBI. La réception est plutôt bonne de la part des autorités nationales, qui sont curieuses de savoir ce que l’on vient faire ici. Il faudra voir dans quelques années si nous sommes vraiment écoutés. Les relations avec les autorités locales sont plus difficiles, sachant qu’ils diffament constamment les défenseurs des droits humains que nous accompagnons.

Le Honduras est un pays particulièrement violent, notamment pour les femmes, comment l’avez-vous vécu ?

Manon : PBI  prête une attention spéciale à la mixité dans les équipes et au respect mutuel. Au Honduras, dans un contexte patriarcal, le sexisme se ressent dans tous les espaces. Le harcèlement de rue est par exemple très fort, c’était très pesant au début, mais j’ai fini par m’y habituer, de la même manière qu’on s’adapte au fait de vivre dans le pays le plus violent du monde. Dans notre travail, le sexisme se reflète aussi dans les différentes réunions que l’on peut avoir avec les autorités, où les regards, les gestes, les commentaires de nos interlocuteurs peuvent être souvent déplacés. Il y a eu une véritable réflexion au sein de l’équipe sur la manière de contrer ça, et pour appliquer une « lunette de genre » sur notre travail.

Sylvain : Le Honduras connait un taux de féminicide dramatique depuis quelques années, considéré par l’OMS comme ayant atteint un niveau épidémique (leur nombre ayant presque quadruplé entre 2005 et 2013). Cette réalité est très forte dans le quotidien, notamment quand on suit le travail de la défenseure des droits des femmes, Gladys Lanza, de l’organisation Visitación Padilla.

Concernant la sécurité générale, comme dans tous les pays où PBI intervient, il a fallu mettre en place un protocole de sécurité adapté au contexte du Honduras, et plus particulièrement pour les femmes volontaires. On a dû le faire à notre arrivée car il n’existait pas, en s’inspirant notamment de nos compagnon-nes de PBI Guatemala.  Pour tout le monde, il fallait par exemple s’adapter aux horaires de sécurité pour les déplacements : ne pas marcher en dehors de 7h du matin et 7h du soir dans la ville, ne pas voyager après 21h le soir.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué pendant cette année au Honduras ?

Sylvain : J’ai trouvé les questions de sécurité informatique particulièrement intéressantes : mettre en place des protocoles de sécurité très élevés, former les défenseurs aux dangers de l’interception des données privées, réalité particulièrement forte à l’heure actuelle. Nous sommes à un moment très intéressant, où de plus en plus de nouveaux outils se développent pour garantir la sécurité des données, notamment sur les smartphones. Ce sujet est particulièrement brûlant dans un contexte comme celui du Honduras, où il s’agit bien souvent d’une question de vie ou de mort. Il est primordial d’utiliser des canaux de communication sûrs, d’éviter de parler de n’importe quoi avec n’importe qui. Nous devions appliquer cette discipline au bureau de PBI, par exemple en utilisant systématiquement le cryptage de mail.

Manon : Ce qui m’a impressionné, c’est l’énorme charge de travail des défenseurs et leur capacité de résistance. Ils n’arrêtent jamais, résistent, ne perdent pas courage. J’ai aussi compris le poids que peut avoir PBI, notamment la force du plaidoyer,  qui a prouvé être efficace à plusieurs reprises. C’est un réel complément du travail de terrain. Grâce à la construction d’un réseau de relations, d’appui national et international, on a pu éviter plus d’une attaque ou tentative d’assassinat. J’ai compris que le travail de PBI est également un accompagnement moral,  émotionnel auprès des défenseur.e.s. De manière tacite, un des éléments les plus importants du travail de PBI est de pouvoir soutenir les défenseurs dans les moments difficiles, qu’ils puissent nous faire confiance, pouvoir être présents au-delà des espaces professionnels que nous partageons.